Moi je ne veux pas mourir au Soleil.
Je préfère bien mieux rendre l’âme sous la Lune.
Les mortels ordinaires, pour ne pas dire dupontesques, veulent tous fermer
les yeux avec les rayons de Râ plein la tête. Pour ces êtres primaires, ces
esprits superficiels, ce sera le dernier éblouissement d’une existence vouée à
la consommation, l’ultime rappel de leurs plus belles vacances à la plage, le
souvenir final de leur vie de minable.
Personnellement je déteste Hélios. Les caresses haineuses, malhonnêtes,
létales de cet astre qu’adorent les estivants me sont insuportables tant physiquement
que moralement ! Sa lumière vive surtout qui entre dans ma chambre me déprime.
Les murs et les toits sont faits pour isoler leurs hôtes des intempéries, non
pour les y exposer. Les fenêtres trop grandes sont pour moi une aberration
architecturale. Quand le dieu de midi illumine une pièce, il devient un intrus
et je me sens violé, pris au piège de ses tentacules enflammés.
Cette gueule cosmique totalement hystérique m’a fait assez transpirer sous
ses crachats de feu, a inspiré suffisamment de sentiments vulgaires au bétail
humain des classes moyennes, engendré trop de bonheur frelaté chez la gueusaille
infestant littéralement le littoral, fait naître davantage d’hérésies chez la
populace avide de congés payés pour que je lui dédie mon soupir suprême.
C’est à la bienveillante Sélénée que j’adresserai ma prière de mort.
Mon regard terrestre s’éteindra sous la clarté phosphorescente de cette
pierre moribonde planant dans le coeur des poètes. Et si les nuages, le jour,
l’horloge céleste réglant ses allées et venues ou quelque rempart de béton
m’empêcheront de contempler sa figure sereine, son profil sage, son croissant
aigu, aucune importance !
Le face lunaire sera présente sous mes paupières closes : je n’aurai qu’à
songer à son visage énigmatique pour quelle m’enveloppe de son mystère.
Et m’emporte dans son royaume mystique.
Là, sur sa surface figée, silencieuse, profonde, paisible et effrayante,
j’errerai en compagnie choisie.
Verlaine à ma droite, Virgile à ma gauche, l’infini au-dessus de mon
auréole, au son de ma lyre cynique et joyeuse je continuerai de dénoncer
l’imbécillité de mes contemporains tout en chantant la supériorité
izarrienne.
Moi je veux expirer au clair de la nuit, au bord du firmament, au fond de
mon jardin.
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